VICTOIRES GAULOISES
Publié le 5 avril 2018
On se souvient d’abord des victoires des romains sur les gaulois, la plus fameuse étant celle d’Alesia, où l’empereur en personne apparut en manteau rouge au milieu de ses soldats à un moment où la bataille était indécise, redonnant courage et vigueur pour l’emporter.
L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs, et personne aujourd’hui ne se souvient des victoires gauloises. Et cependant, à y regarder de plus près, elles sont nombreuses, mais non pas dans le domaine militaire, mais tout simplement dans celui ordinaire de tous les jours, fruit de l’ingéniosité de ces paysans et artisans qui avaient choisi le coq pour emblème.
Savez-vous qu’ils avaient mis au point une moissonneuse-batteuse deux mille ans avant notre ère ? C’était une caisse en bois, ouverte à sa partie supérieure, montée sur un essieu comportant deux roues et poussée par un bœuf. A l’avant de la caisse, le bord supérieur était garni de pointes obliques vers l’avant, espacées suffisamment pour laisser passer les tiges de paille, mais retenant les épis de grains, qui tombaient ainsi dans la caisse, à la manière des cueilleurs de myrtilles d’aujourd’hui utilisant une sorte de peigne.
En matière d’agriculture, ils avaient compris que pour neutraliser l’acidité des terrains gréseux, il fallait y apporter du calcaire, ce qui étonna César qui rapporte que les Gaulois savaient engraisser la terre avec de la terre. Tout cela avant que le physicien danois Sorensens introduise au dix-neuvième siècle la notion de pH (potentiel hydrogène, défini comme le cologarithme décimal de la concentration en ions hydrogène d’une solution).
Mais il y a encore plus fort : le tonneau. Il a fallu une bonne dose d’imagination et de culot pour concevoir et réaliser un récipient constitué de nombreuses planches pour contenir un liquide sans qu’on ait la moindre fuite, alors que la longueur totale des joints dépasse plusieurs mètres. Et pour former les planches en forme de douves, faire un feu au centre de l’assemblage, assez chaud pour ramollir le bois, mais pas trop pour ne pas le brûler. Enfin l’idée de génie est que c’est le liquide lui-même qui assure l’étanchéité des joints par la dilatation du bois qu’il provoque. Cerise sur le gâteau : le vin s’enrichit des aromes du bois, ajoutant ainsi au breuvage des dieux. Quant à la manutention, incassable, il suffit de le rouler et pour le charger sur les chariots, de le pousser sur une rampe. On est bien loin des amphores en terre cuite, qui se brisent au premier choc, lourdes, à faible contenant, obturées par un bouchon de poix qui gâte le vin. Pouah !
Mais l’invention qui a traversé les siècles et s’est imposée à la planète entière, ce sont les braies, disons le pantalon en langage moderne. Encore une idée simple, mais terriblement efficace pour se protéger confortablement des éraflures dans les buissons et des morsures du froid dans nos climats et tous les grands couturiers d’aujourd’hui l’ont adopté, et adapté pour les femmes. On est loin des vilaines petites jupettes des légionnaires romains.
Alors une victoire romaine ? certes oui, mais éphémère. Une défaite gauloise ? certes oui, sur le moment, mais un succès définitif dans la durée.