La Cour Pénale Internationale (CPI) et la morale
Publié le 7 juin 2024
La récente demande d’arrêt pour crimes de guerre du premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou et de son ministre de défense, en même temps que trois « leader » terroristes du Hamas, faite par le procureur du CPI, a créé un véritable choc chez beaucoup d’occidentaux, et a provoqué de vives réactions se référant à la morale, qui vont dans plusieurs directions!
Pauvre citoyen français, déjà désorienté par tous les changements politico-sociétaux de ces dernières décennies ! Il ne sait plus à quel saint se vouer.
Pour l’aider nous lui conseillons d’enterrer définitivement l’erreur de penser qu’il n’existe qu’une seule morale légitime.
Cette erreur est partagée par nombre d’hommes et femmes. Or se débarrasser de cette erreur est possible, mais est très difficile, surtout si, comme les américains ou les français, ils considèrent leurs propres valeurs morales comme étant « universelles », donc imposables aux autres. C’est une façon, apparemment très noble, d’exprimer un regard « ethnocentrique », comme l’expliquent les ethnologues.
En réalité coexistent, déjà en France, plusieurs formes de morale, comme par exemple dans l’interprétation de la justice qui peut être différente quant à la prise en compte ou non de l’importance des conséquences d’une action (« éthique de conviction » s’opposant à l’« éthique de responsabilité »).
On pourrait lister ici des pages de concepts de morale ou d’éthique différents, qui ont toujours co-existés. Cela ne posait pas de problème, parce que la société s’était mise avec le temps d’accord sur un mix fondamental de concepts d’éthique bien partagés.
Or, aujourd’hui nous ne partageons plus le même mix de concepts d’éthique, ou, pour parler en langage courant, « nous ne partageons plus les mêmes valeurs », que ce soit en France ou dans le monde du XXIème siècle. Ainsi la « cohésion » nationale et internationale, jusqu’alors d’accord sur ce mix, disparaît. C’est difficile à admettre, surtout pour ceux pour lesquels il y avait qu’une seule morale valable, la leur.
Ayant précisé cela, on peut analyser et comprendre le problème « éthique » ou « moral » de la démarche du procureur de la CPI de la façon suivante :
Plaider que « pour la loi, tout le monde est égal et tous les actes sont odieux, indépendamment du statut de ses auteurs », est tout-à-fait moral, si on suit le concept d’éthique de conviction, selon lequel c’est l’intention du législateur qui compte et ne pas prendre en compte les conséquences (non voulues) de la promulgation de cette loi.
Dans cette approche l’égalité du citoyen est un droit attesté qui se heurte souvent à la réalité du pouvoir de ceux qui, de plus, disposent de l’argent et de l’influence.
Ainsi un droit se transforme souvent en une forme de fiction.
Appeler la démarche du procureur « scandaleuse » ou « immorale », résulte d’un autre concept d’éthique, celle de « l’éthique de responsabilité ».
Cette éthique, ne fait pas abstraction des conséquences. Elle ne fait pas abstraction ni du pouvoir ni de la réception de cette démarche chez les citoyens des différents pays. Ces citoyens ne sont pas seulement objets concrets ou possibles des crimes de guerre, mais sont aussi des personnes qui sont engagées pour ou contre l’organisation démocratique du pouvoir publique dans leurs pays.
Ce sont donc là deux façon morales légitimes de voir les choses, même si l’approche d’éthique de conviction, qui fait régulièrement abstraction des réalités du pouvoir en combinaison avec une perspective politique purement individuelle des personnes mises en cause (qui elle-même fait abstraction du fait que des personnes sont membres d’un gouvernement démocratiquement élu comme l’est Netanyahu alors que d’autres comme les chefs du Hamas dirigent une organisation terroristes), se révèle, appliquée ici aux domaines des pouvoirs collectifs, très ambitieuse quant à sa volonté d’améliorer le monde.