Un éternel recommencement Janvier 2002

Publié le 13 mai 2013

Au moment où nous rentrons dans un nouveau siècle l’inquiétude de nos contemporains ne fait que grandir.

Combien de fois entendons nous dire que tout va mal, que la morale et les moeurs ne sont plus ce qu’ils étaient autrefois, bref que nous allons tout droit vers la pire des déchéances.

Dans ce monde où le travail est plus ressenti comme une contrainte que comme une libération, où le temps réservé aux loisirs s’accroît, où les familles sont éclatées, l’indifférence devient une règle de vie et la solitude une véritable maladie, l’argent est roi, l’égoïsme presque une vertu et la violence un véritable fléau.

. Nous avons l’impression que l’univers court à sa perte, le progrès jadis tant vénéré est maintenant en accusation. Il existe une crise de croissance matérielle, certes, mais le désarroi des esprits montre que le mai est plus profond.

Dans notre société très relativement idéale, il y aurait à mesurer ce que notre conception de la qualité de la vie coûte réellement à la qualité de l’homme, ce que lui coûte, par exemple, l’abaissement des valeurs morales, religieuses, la dévaluation de la pensée philosophique, la désinvolture érigée en élégance, l’égoïsme en idolâtrie.

Cette transformation des mentalités provoque une remise en question des vertus établies, surtout chez les jeunes. L’esprit critique se développe, la hiérarchisation des valeurs bascule, le sens de l’intérêt public s’effface devant la défense féroce des privilèges et des situations acquises. L’affirmation de l’autonomie de l’homme fait de lui un individu égoïste, éloigné de la communauté, l’exaltation des droits sans la réciprocité des devoirs nourrit et développe la contestation de l’autorité des institutions.

La recherche effrénée de la vie facile et des loisirs dévalue sans cesse la dignité du travail et, de ce fait, de la personne humaine.

Bref, nous avons conscience d’assister à l’agonie d’un monde qui meurt.

Devant un constat aussi affligeant, aussi décevant, nous ne résistons pas à faire un parallèle avec la décadence de l’Empire Romain, il y a un peu plus de 2000 ans. A cette époque, voilà ce que pensaient CATON ou SALLUSTE, Romains éminents, à propos de leur civilisation qui allait bientôt s’effondrer et dont les termes ont été repris par SAINT AUGUSTIN dans son beau livre intitulé « LA CITE DE DIEU »:

 

 » Gardez – vous de croire, dit – il, que ce soit par les armes que nos ancêtres ont fait d’un petit état notre grande république. Ce sont d’autres qualités qui firent leur grandeur. Nous vantons les richesses, nous suivons la paresse. Point de distinction entre les bons et les méchants, l’intrigue détient toutes les récompenses dues au mérite, comment s’en étonner ? chacun de vous est esclave de ses plaisirs dans la vie privée, de la corruption et de /a faveur dans /a vie publique. Voilà qui explique cet assaut contre une république sans défense ».

SAINT AUGUSTIN fait remarquer que les qualités des ancêtres évoquées dans ce texte ne concernait déjà qu’une élite mais que son exemple avait su entraîner toute une civilisation derrière elle.

Espérons que cette très ancienne analyse, empreinte de lucidité et d’une force prémonitoire impressionnante ne trouve pas, après plus de deux mille ans, sa pleine signification et que nous ne connaîtrons pas le même funeste destin.

Espérons que nos « élites » qu’elles soient de toutes natures, sachent garder les qualités qui peuvent en faire les moteurs du développement de notre civilisation, de notre société, et qu’elles ne sombrent pas dans les turpitudes qui nous mèneront vers le gouffre de la décadence.

Janvier 2002

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