TOUT L’ARBRE EST DANS LA GRAINE (à propos de l’IVG)
Publié le 4 octobre 2018
TOUT L’ARBRE EST DANS LA GRAINE (Gandhi)
Point de vue d’un médecin à propos de l’IVG et des avatars de la loi Veil
Dans « Citadelle » Antoine de Saint-Exupéry raconte l’exode des populations françaises devant l’avancée des troupes allemandes en juin 1940 et sous la menace de l’aviation.
Voyant un enfant allant se cacher dans les buissons, il pense que ce garçon risque sa vie et imaginant son avenir, s’il en réchappait, il se dit : « Ils vont tuer Mozart enfant ».
Cette pensée évoque le drame qu’est toujours une grossesse interrompue qu’elle soit spontanée appelée alors communément une « fausse couche » ou provoquée que ce soit pour une raison médicale désignée alors sous le vocable d’« interruption médicale de grossesse » ou enfin par choix personnel, et que l’on désigne pudiquement par le sigle IVG. Cette interruption volontaire de grossesse peut se faire chimiquement par «la pilule du lendemain », matériellement par la pose d’un stérilet qui empêche la nidation de l’embryon dans la muqueuse utérine ou par un geste médical : le curettage ou l’aspiration, opérations qui nécessitent une anesthésie générale.
AVANT 1975 ?
L’IVG a toujours été interdite par des lois ou des règlements qu’ils soient civils ou religieux de pratiquement toutes les religions et en particulier des Religions du Livre. Historiquement et de longue date, les médecins avant d’obtenir le titre de Docteur en Médecine doivent prêter le serment d’Hippocrate (4e siècle avant JC), par lequel ils s’engagent « à ne donner à aucune femme de poison contraceptif et à ne lui poser aucun pessaire dans le même but ».
D’autre part, le Code de Déontologie Médicale s’impose à tous les médecins.
Art 2 : « le médecin exerce sa mission dans le respect de la vie humaine ».
Art 10 : « le médecin ne peut pratiquer d’IVG que dans les cas prévus par la loi ; il est libre de refuser ».
Cet interdit de pratiquer l’IVG a été renforcé en 1922 ; après l’hécatombe humaine de la guerre 14-18, les pouvoirs publics durcissent la loi anti-avortement dans le but avoué de favoriser la natalité. Sous le régime de Vichy sont aggravées les peines infligées aux médecins, aux sages-femmes et en général à toute personne pratiquant l’avortement ainsi qu’aux femmes qui se sont fait avorter. Une sage-femme aurait même été condamnée à mort !
Depuis les années 1950-1960, l’apparition de la pilule anti-conceptionnelle, les changements de mentalité et des mœurs sous l’impulsion des Mouvements de planning familial, du féminisme et de l’ambiance de mai 1968 prônant la libération sexuelle, les femmes réclament le droit de faire de qu’elles veulent de leur corps. Mais ont-elles pour autant le droit de faire ce qu’elles veulent du corps de leur enfant ?
Dans le but de promouvoir un changement de législation, 343 d’entre elles affirment publiquement qu’elles ont déjà eu recours à l’avortement et une centaine de médecins qu’ils l’ont pratiqué au moins une fois impunément.
Avant le vote de la loi Veil en 1975, on estime qu’il se pratiquait environ un million d’avortements par an en France avec un lot de complications graves, psychiques, affectives ou physiques, parfois mortelles par hémorragies ou infections. Avec l’apparition de la contraception orale, on pensait mettre définitivement fin à la pratique de l’avortement. Il n’en est rien ou presque. L’IVG ne devrait jamais devenir un moyen contraceptif.
C’est alors que le Président Giscard d’Estaing nomme Madame Veil Ministre de la Santé, avec pour mission de faire voter une loi dépénalisant l’avortement. Cette loi est votée dans des conditions très dures, particulièrement difficiles et injurieuses pour la Ministre. Il n’était pas question de créer un droit à l’IVG en tant que tel mais de dépénaliser cet acte pour des raisons non thérapeutiques mais humaines. Cette loi votée à titre d’essai temporaire pour 5 ans est adoptée définitivement en 1980. En pratique, les statistiques démontrent qu’il se fait annuellement en France 300 000 IVG et sans doute plus car on ne peut comptabiliser ceux qui ne sont pas déclarés. Le taux de complications est très faible et la mortalité nulle. C’est déjà un progrès considérable par rapport aux années de 1930 à 1950.
Il n’en reste pas moins que ce qui est légal n’est pas pour autant moral.
Avant cette loi, beaucoup d’enfants non désirés étaient donnés à des organismes spécialisés publics ou privés qui cherchaient à les faire adopter, ce qui faisait –dans la plupart des cas- le bonheur des enfants et de leurs parents adoptifs. Depuis 1975, le nombre d’enfants proposés à l’adoption a beaucoup diminué et les couples stériles vont chercher dans les pays du tiers monde des enfants « mis à leur disposition », ce qui a favorisé l’apparition d’abus financiers, voire de manœuvres mafieuses au point que les pouvoirs politiques de ces pays ont dû interdire tout trafic transfrontalier d’enfants.
EVOLUTION DES MENTALITES ET DE LA MEDECINE
Dans les mêmes années, se sont développées les pratiques de procréation médicalement assistée (PMA) qui ont amené à prendre des décisions graves : élimination des embryons surnuméraires, des embryons malformés du point de vue génétique (diagnostic préimplantatoire) et pire une loi de 2016 autorise la création d’embryons spécialement destinés à la recherche.
Un autre changement important : la recherche prénatale d’anomalies chromosomiques qui met en jeu la responsabilité des médecins et des biologistes, tout particulièrement la recherche de la trisomie 21. Elle peut être détectée par échographie, confirmée ou non par ponction de liquide amniotique, biopsie placentaire ou actuellement par analyse d’une prise de sang de la mère. On peut ainsi aboutir à une quasi-certitude de diagnostic et l’obstétricien peut proposer aux parents de pratiquer une IVG, en expliquant bien que le degré de déficit mental peut être subnormal, légèrement débile ou plus grave. Certains praticiens proposent même de laisser naître les enfants trisomiques détectés et de laisser alors le choix aux parents de les laisser vivre ou pas.
Se pose alors la question très pointue de la différence de moralité et de légalité entre avortement au stade embryonnaire et infanticide à la naissance… Cette pratique n’est-elle pas une forme d’eugénisme ?
On assiste donc à une évolution paradoxale de pratiques contradictoires : en 1975, dépénalisation de l’avortement et en 1981 abolition de la peine de mort. D’un côté, on autorise (dans certaines conditions) la mise à mort d’un embryon innocent ou même d’un bébé et de l’autre on interdit la peine de mort.
Il reste à imaginer le cas très douloureux des femmes enceintes à la suite d’un viol, ne désirant pas garder l’enfant. Que leur proposer pour protéger la vie de celui-ci sinon de le donner à l’adoption après la naissance ? La décision ne dépend que de la mère.
LA LOI VEIL 1975 ET SES AVATARS
Initialement dans la loi,
-seuls des médecins acceptant le principe de l’IVG peuvent le pratiquer,
-médecins et personnel soignant peuvent refuser pour des raisons de conscience,
-l’IVG ne peut se pratiquer que dans des établissements de santé ou au cabinet d’un médecin conventionné,
-l’état de grossesse doit placer la femme dans une situation de détresse (sans préciser si la détresse est psycho-affective ou physique),
-l’autorisation parentale est obligatoire pour les mineures non émancipées,
-un délai minimum de 7 jours doit être respecté entre la consultation et la pratique de l’IVG pour laisser à la femme le temps de réfléchir,
-le délai maximum de 10 semaines de grossesse doit être respecté avant l’IVG,
-la Sécurité Sociale ne rembourse pas l’IVG, ni les actes médicaux préliminaires.
Par suite, tous les freins mis en place ont été desserrés :
– 1982 : le remboursement des frais médicaux par la SS s’élève à 70 %,
-1993 : le délit d’entrave à l’IVG est inventé,
-2001 : le délai légal maxi de grossesses passe de 10 à 12 semaines,
-2013 : le remboursement des frais médicaux par la SS atteint à 100 %,
-2014 : les perturbateurs de l’accès aux lieux où se pratique l’IVG sont condamnés, et la notion de détresse est supprimée
-2016 : les sages-femmes peuvent pratiquer l’IVG librement en donnant la pilule du lendemain ; le délai de réflexion de 7 jours est supprimé,
-2017 : le délit d’entrave à l’avortement est étendu aux sites internet anti-IVG.
On peut se demander pourquoi le législateur a fixé d’abord à 10 puis à 12 semaines l’autorisation de pratiquer l’avortement. Et l’on peut craindre que ce délai puisse encore évoluer.
A PARTIR DE QUEL MOMENT, UN EMBRYON EST-IL UN ETRE HUMAIN ?
C’est le fond du problème.
Pour beaucoup de personnes, qu’elles appartiennent au corps médical ou non, religieux ou pas, la réponse est : depuis la fécondation. Dès que le spermatozoïde a fécondé l’ovule, un nouvel être humain existe, monocellulaire un court instant et qui se multiplie très rapidement. Il détient déjà tout son capital génétique qui le rend différent de tout autre individu humain, il est une mosaïque de tous ses ancêtres. A trois semaines, les battements du cœur apparaissent ; à six semaines, les cellules cérébrales se manifestent à l’EEG (électroencéphalogramme) et à huit semaines tous les organes sont formés. Il n’y a pas de discontinuité dans cette évolution. Il n’y a pas de différence de nature entre l’embryon qui vient de se former et l’enfant qui va naître neuf mois plus tard.
Pendant des siècles, des penseurs civils et religieux ont discuté pour savoir quand l’animation se faisait c’est-à-dire à quel moment l’âme descendait dans le corps de l’enfant et à quel âge ; pour certains, l’enfant masculin recevait cette animation plus tôt que la fille : le sexisme vient de loin ! Tous ces raisonnements ou plutôt ratiocinations n’étaient que billevesées et pensées chimériques. Quel que soit le sexe, le développement de toutes les connexions neuronales du cerveau se font à la même vitesse. Et c’est progressivement que la possibilité de penser apparaîtra.
Une femme qui se sait enceinte dit « j’attends un bébé » ; elle sait déjà qu’un embryon est un enfant. Certes le droit de la femme est une réalité mais il ne faut pas oublier le droit de l’enfant à naître. A la fin du 20e siècle, un organisme de défense des droits de l’enfant est créé. L’article 4 de la loi organique du 29 mars 2011 précise que le défenseur des droits est chargé de défendre et de promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant. Cette loi ne précise pas à partir de quel âge de la grossesse
N’oublions pas que moi, que vous, de tous les temps -tous- nous avons été un embryon en devenir c’est-à-dire un être humain au tout début de son évolution : la date de la fécondation qui nous a donné l’existence est la véritable date de notre naissance, beaucoup plus que la date officiellement retenue par les formalités de l’Etat-Civil, celle-ci n’étant que celle de la sortie du ventre de sa mère d’un enfant entièrement constitué, apte à vivre en autonomie ; et cette date est susceptible de varier selon des facteurs multiples.
IL EST DONC BIEN VRAI QUE
TOUT L’ARBRE EST DANS LA GRAINE !