BON APPETIT!
Publié le 18 décembre 2019
La télévision nous a montré récemment un reportage sur la pollution des mers par le plastique, baptisant ces amas de déchets dans les océans atlantique et pacifique de septième continent. Constat effrayant où ne sait plus distinguer les algues des détritus qui se déplacent dans l’eau, ou encore microparticules de la taille du zooplancton. Tous les mollusques qui filtrent l’eau pour se nourrir, comme les moules ou les huitres les retiennent Et tout ceci remonte la chaine alimentaire dans laquelle les gros mangent les petits avec les déchets qu’ils ont eux-mêmes absorbés. Et comme les hommes se situent en haut de l’échelle alimentaire, ils consomment le total ingéré par leurs prédécesseurs. Les calculs des scientifiques annoncent le résultat effarant d’une quantité de plastique moyenne ingérée par l’homme de 5 grammes par semaine, soit le poids d’une carte de crédit. Voilà bien la première fois qu’on apprend que l’argent peut être consommé tout cru.
Alors on s’interroge. A quel moment notre société a-t-elle pu ainsi déraper pour arriver à cette catastrophe ? Une telle gabegie criminelle exige des mises en examen et des sanctions. C’est évidemment notre société diront les uns, mais qu’est ce qu’une société ? un concept abstrait, une réalité virtuelle que personne n‘a jamais vue et que personne ne peut saisir physiquement. Par contre, les individus ont eux une existence bien concrète, ce qui doit conduire chacun de nous à s’interroger sur sa part de responsabilité dans le désastre.
Les plastiques ne sont pas apparus spontanément du jour au lendemain sur notre planète. Ils sont le produit de tout un arsenal technique développé au vingtième siècle à partir du pétrole. Cette matière visqueuse, noire, collante, n’a que peu d’intérêt, sauf si elle est utilisée dans toute une chaîne de transformations physico-chimiques dans un schéma relativement simple : les longues chaines de molécules d’hydrocarbures sont tout d’abord cassées en éléments simples par un procédé de craquage à la vapeur d’eau (steam cracking) donnant naissance à un mélange gazeux de molécules diverses (méthane, butane, éthylène, propylène, hydrogène, etc.). Puis les constituants du mélange sont extraits séparément par procédé de liquéfaction/séparation dans des unités froides entre l’ambiante et -160 degrés. Tout cela n’est pas une affaire de laboratoire et les usines mesurent leur production en centaines de milliers de tonnes d’éthylène par an.
Puis intervient la synthèse où les molécules d’éthylène sont assemblées sous haute pression pour produire un matériau solide à température ambiante : le polyéthylène par exemple.
La mise en œuvre de ces transformations, si elle est simple dans son principe, a exigé une somme considérable de développements techniques, d’intelligences, qui a mobilisé des milliers d’ingénieurs et de techniciens pour un résultat final non prévu qui prend l’allure d’un désastre écologique planétaire. Alors, pouvons-nous mettre autant de moyens humains sur ce sujet pour remédier aux dégâts constatés ? Comme il n’y a pas d’argent à gagner, il est probable que peu de sociétés industrielles vont s’y intéresser. Il ne reste plus que l’engagement individuel, motivé par le souci de réparer ce que nous avons dégradé, avec autant d’intelligence et d’engagement que celui apporté pour produire.
Peut-être pouvons plaider que nous ne savions pas ce qui allait arriver, quoique certains l’imaginaient déjà. Maintenant nous savons, et savons que nous avons du pain sur la planche.
Bon appétit