CONTRE LA DICTATURE DE L’EMOTION

Publié le 16 novembre 2019

Il était une fois une époque qui s’appelait la démocratie. C’était une époque où, suite à un débat durant lequel on échangeait argument contre argument, la majorité des citoyens décidait. Les arguments étaient toujours ancrés dans un raisonnement qui, par nature, se référait à la logique, à la vérité et à la réalité. Mal vue, mais toujours présente était la tentation de mobiliser des émotions, à la place de la raison, et de pratiquer en remplacement de l’argumentation, la rhétorique. Celle-ci est, comme vous le savez, le maître de cet « art » spécialisé en démagogie, empli de mensonges (appelés aujourd’hui « fake news ») et pseudo-arguments.

 Arrive maintenant l’époque d’aujourd’hui, l’époque « post-moderne », où on se moque des arguments, mais vénère l’émotion, prise pour seul garant de la vérité subjective et individualiste. Ainsi la température mesurée est devenue la température « ressentie » et l’inflation, l’inflation « ressentie ». Des débats d’arguments entre personnes civilisées se sont transformés à la télévision en combat de démagogues qui n’hésitent plus à s’attaquer à la personne qui argumente, au lieu de s’attaquer à ses arguments. Ces attaques prennent habituellement la forme de soupçons sur la moralité de la personne, et régulièrement la forme d’insultes du genre: « gauchiste », « facho », « homophobe », « macho », « néo-libéral », « extrémiste », « raciste » etc. L’époque postmoderne a offert au « peuple » encore plus de possibilités de céder aux sirènes de l’émotion et de ses bas instincts que les Romains ne pouvaient offrir avec leurs combats sanglants de gladiateurs ; car cette époque actuelle a offert l’internet et les réseaux sociaux où, grâce à l’immédiateté des mots, des sons et des images, les démagogues peuvent agir à cœur joie.

A cette époque, appelée « postmoderne », les débats ont été de plus en plus remplacés par des sondages qui reflètent des « photos de moment » et plus d’ émotions que le résultat d’une mure réflexion. Est venu le grand moment de démagogues avec leurs simples solutions, leurs boucs émissaires (les « riches », « les juifs », l’»islam », « l’Europe » « les nationalistes » etc.), et leurs transgressions verbales. La réaction néfaste à cela a été la police du « bien penser » qui a décrété de plus de plus quels mots devaient être protégés par la liberté d’expression ou non.  Ainsi la dictature de l’émotion mène vers une société de plus en plus totalitaire où, par peur du débat, par peur de la raison et de la réalité, on a préféré canaliser les émotions vers ses propres fins idéologiques et/ou marchands.

Si ce scenario peut se réaliser, c’est parce que les profiteurs et les exploiteurs de l’émotion, les médias, les « responsables » politiques et économiques, les idéologues et les démagogues ont su vendre cette dictature douce (Tocqueville), célébrant les transgressions, toujours comme « progrès », « démocratie», « réalisation de soi », et accomplissement de la « liberté individuelle ». Or, les fausses étiquettes existent aussi dans le monde de la politique.

 

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