HISTOIRE DE L’EMIGRATION EN FRANCE

Publié le 3 octobre 2023

La France est le plus ancien pays d’immigration d’Europe.

Classiquement on distingue :

 – Un premier flux d’immigrés lors de la révolution industrielle

  – Une deuxième arrivée après la première guerre mondiale due aux besoins de main d’œuvre pour reconstruire la France.

 -Une troisième arrivée  après la deuxième guerre mondiale et qui se poursuit depuis.

La limitation voir le blocage de l’immigration a eu lieu à trois reprises :

– Lors de la grande dépression des années trente.

– Durant la période de Vichy : 1940-1944

– Lors de la crise pétrolière de 1974.

L’immigration est plurielle répondant à des problématiques très diverses :

– Etudes, regroupement familial, mariage entre Français et étranger, immigration économique, demande d’asile et plus récemment d’aucuns ont introduit le concept de réfugiés climatiques.

Si l’immigration du 19eme siècle au milieu du 20eme a été essentiellement une immigration de proximité, hors réfugiés, elle s’est depuis mondialisée. Depuis est apparue ces dernières années la problématique des mineurs non accompagnés pris en charge par les départements au titre de l’aide à l’enfance: 23461 présents sur le territoire en 2022.

La législation concernant la réglementation de l’immigration est ancienne et s’est multipliée ces dernières années à raison d’un texte de loi tous les deux ans ; un nouveau projet de loi présenté par le ministre de l’intérieur doit venir prochainement en discussion à l’assemblée nationale.

– 1973 seuls les citoyens Français peuvent représenter la nation.

-1803 : apparait le droit du sang ; un enfant né d’un Français ou d’une Française est Français

-1849 : l’acquisition de la nationalité Française est précisée par la loi du 3/12/1849 : la naturalisation n’est plus automatique mais conférée par le Président de la République après enquête sur la moralité du demandeur et à condition qu’il soit résident depuis au moins 10 ans ; on dénombre 372.289étrangers en 1851 soit 1,06% de la population Française.

-1851 : l’acquisition de la nationalité Française peut s’obtenir par le double droit du sol : né en France d’un parent déjà né en France vous êtes Français de naissance.

-1859: acquisition de la nationalité par le droit du sol différé : né en France de parents étrangers et ayant vécus au moins 5 ans en France on devient automatiquement Français à sa majorité.

-acquisition par mariage après quatre ans de vie commune à condition d’avoir une connaissance de la langue Française, niveau brevet et après un entretien.

Naturalisation par décret : tout étranger ayant au moins cinq ans de résidence en France peut demander sa naturalisation s’il peut attester de son assimilation à la communauté Française.

L’Immigration de 1850 à 1914

Parallèlement à une stagnation démographique on note une augmentation des étrangers de 1850 à la première guerre mondiale ; il s’agit avant tout d’une immigration de travail ; les étrangers exercent des métiers dangereux et pénibles ; Belges dans le textile et les mines du Nord, Italiens dans le bâtiment, la chimie et la métallurgie, Kabyles dans les mines de charbon.

L’embauche d’étrangers entraine une baisse du coût du travail et pallie la pénurie de main d’oeuvre;51% des étrangers travaillent dans l’industrie, les transports ou la manutention, 13,5% dans l’agriculture dont de nombreux saisonniers ; Espagnols en Bordelais ou Roussillon, Italiens dans la vallée du Rhône.

 L’intégration des étrangers se heurte aux stéréotypes nationaux, à leur concentration dans certaines villes et quartiers et s’exacerbe avec la grande dépression de la fin du siècle ; parallèlement le culte du sentiment patriotique et d’une identité nationale se développe. La question de l’intégration du million d’étrangers vivants en France en 1880 est déjà d’actualité.

1914-1918

La mobilisation générale est déclarée en France le 1er Aout 1941: l’union sacrée est proclamée par le président de la République Raymond Poincaré le 4 Aout 1941. Les étrangers sont considérés avec suspicion par peur de l’ennemi de l’intérieur.

La France fait appel à ses colonies pour résister à l’Allemagne; La France mobilise environ 60.700 soldats originaires des colonies dont 172.000 Algériens et 48.000 Indochinois auxquels il faut ajouter de nombreux travailleurs indigènes mobilisés au service de l’économie de guerre.

Au total 400.000 étrangers ont travaillé pour la France qui compte alors 290.000 réfugiés.

Création en 1917 d’une carte spécifique obligatoire pour les étrangers qui sont placés directement sous contrôle de l’état ; cette carte d’identité doit être visée par les maires et les commissaires de police, elle  est délivrée aux étrangers dès leur entrée en France ; l’état devient l’acteur des flux migratoires.

La guerre et ses 130.000 morts au combat a pour conséquence une pénurie de main d’œuvre et un déséquilibre démographique : 1325 femmes pour 1000 hommes chez les 25 à 29 ans ; le manque de main d’œuvre particulièrement dans l’industrie et l’agriculture entrainera les vagues migratoires des années 20 : 6,9% d’étrangers en 1931 contre 3% en 1911 ; aux nombreux Italiens, Espagnols, Polonais qui ont quitté leur pays viendront se joindre les réfugiés politiques et déplacés : Russes suite à la guerre civile mais aussi Hongrois, Arméniens, Juifs d’Europe centrale. Pour pénétrer en France les travailleurs doivent posséder une carte d’identité et un contrat de travail.

Au total on dénombre en 1921 : 2.700.000 étrangers dont 808.000 Italiens, 508.000 Polonais, 102.000 Nord-Africains ; 60% travaillent dans l’industrie, ils sont regroupés dans les mêmes villes, les mêmes quartiers, logés dans des conditions précaires.

La crise économique des années trente entraine une forte augmentation du chômage : 2 millions de chômeurs en 1935 ; un consensus de toutes les forces politiques se dégage alors en faveur de la fermeture des frontières ; de 120 .000 entrées légales en 1930 on passe à 25000 en 1931.

La préférence nationale est actée par la loi d’Aout 1934 : la fonction publique et certaines professions telles qu’avocat sont interdites aux naturalisés. La crise économique s’accompagne d’une montée de l’extrême droite ; les étrangers qui ne peuvent être expulsés sont assignés à résidence, les bénéficiaires du droit d’asile sont soumis aux obligations imposées aux Français en temps de guerre

1940-1945

Pétain conduit une politique xénophobe et antisémite.

La loi de juillet 1940 permet par décret de déchoir un naturalisé de la nationalité Française : 15.000 naturalisés en seront déchus ; les étrangers en surnombre dans l’économie sont mobilisés dans les groupements de travailleurs étrangers

Création de camps pour les étrangers suspects ; déportation de75.000 juifs.

De la fin de la guerre aux trente glorieuses.

Dès la fin de la guerre la priorité est donnée aux travailleurs manuels indispensables au redémarrage de l’économie.

Le droit du sol est rétabli ; dès le 19/10/1945 un enfant né en France de parents étrangers devient automatiquement Français à sa majorité, la naturalisation peut être obtenue au bout de 5 ans ; jusqu’en 1967 seuls les Européens pouvaient bénéficier du statut de réfugiés.

Création en Novembre 1945 de l’office national de l’immigration ; pour travailler en France les étrangers doivent outre des papiers d’identité posséder un contrat de travail, une autorisation du ministère du travail, un certificat médical, et une carte de séjour.

En 1946 la France compte 1.743.619 étrangers soit 4% de la population .L’expansion économique des trente glorieuses coïncidant avec les classes creuses de l’entre- deux guerre explique l’arrivée massive de travailleurs étrangers : de 4,1% en 1954 on passe à 6,5%en 1975.

La fin du contrôle des déplacements des Algériens en septembre 1947entraine une augmentation importante de leur présence passant de 22.000 en 1946 à plus de 200.000 en 1954 ; de même les accords d’indépendance entre la France et ses anciennes colonies de 1960 prévoient la libre circulation pour leurs ressortissants.

1/3 des étrangers travaillent en 1975 dans l’industrie et le bâtiment, ils représentent 7,3% des actifs et 10%des naissances.

L’accès à un logement décent reste difficile pour les immigrés malgré la création de grands ensembles et de la Sonacotra en 1956 puis des cités de transit en 1964.

En 1971 le statut de réfugié est élargi aux non Européens.

1974-2022

Au plein emploi succède le chômage de masse : plus de 3millons de chômeurs  en catégorie A en 2022 contre 500.000en 1974 ; l’industrie perd 1 million de salariés entre 74 et 84 les premiers touchés étant les immigrés.

L’immigration de travail et les regroupements sont interdits  en juillet1974 ; une prime au retour est instituée dès 1970.

Le regroupement familial est rétabli en Avril 1976 à la demande du conseil d’Etat.

En 1980, la fermeture des frontières est accentuée et un visa est obligatoire pour les non communautaires.

Une circulaire de juillet 81 facilite le regroupement familial et la délivrance de titres de travail aux étrangers entés régulièrement en France.

En Aout 1981une circulaire permet la régularisation de 120.000étrangers en situation irrégulière entrés avant 1981.

En juillet 1984, la carte de séjour de 10 ans devient renouvelable. Création d’un contrat d’accueil et d’intégration pour les non communautaires, possibilité d’obtenir la nationalité Française après 4 ans de mariage.

L’Europe met en place une politique communautaire de l’immigration : les accords de Schengen de juin 1985 prévoient de renforcer le contrôle aux frontières extérieures et permet la, libre circulation pour les détenteurs du visa de Schengen.

Avec le règlement de Dublin l’état responsable est celui qui a pris part a l’entrée en Europe du demandeur d’asile que cette entrée soit régulière ou non.

Dernier épisode à ce jour le projet de loi Darmanin et Dussopt proposant l’attribution de titres de séjour pour les métiers en tension ; pour bénéficier de ce titre il faudrait justifier de trois ans sur le territoire national et avoir travaillé au moins 8 mois sur les 24 derniers mois ; le titre serait valable un an et ne donnerait pas droit au regroupement familial.

La réforme réduirait par ailleurs le temps des recours de 12 à 4 mois et renforcerait les exigences de maitrise de la langue Française et du respect des valeurs de la République.

Données actuelles :

Est étrangère toute personne vivant dans un pays sans en avoir la nationalité, est immigrée toute personne ayant sa résidence habituelle dans un pays où elle n’est pas née.

En 2020 selon l’Insee 12,7% des habitants de la France sont nés à l’étranger y compris les Français de naissance. Les immigrés sont 6,8millons pour 67,3 millions d’habitants soit 10, 2% ; à titre de comparaison, le pourcentage d’immigrés est de : 30% en Suisse, de 21%au Canada, de 16% en Allemagne, de 14% au Royaume Uni, de 10% en Italie.

La France a délivré :

Titres de séjour :320.330 en 2022 se répartissant ainsi :

–Etudiants : 108.340

-Familial    : 90.380

-Economique : 52.570

-Humanitaire : 40.490

Visa de long séjour : 277.038

Expulsion : 15.390

Protection temporaire des Ukrainiens : 68.410

Demande d’Asile : 168.699 dont 56.179 ont été accordés soit 41,3% ; ces demandes d’asile concernaient des Afghans, Bangladais, Turcs, Géorgiens, Congolais.

Sans papiers : l’estimation est d’environ 400.000

Immigration et croissance démographique : en Allemagne le solde naturel est négatif depuis 1972 et ne se positive que grâce aux migrants ; en France le solde naturel était positif jusqu’en 2020, il le redevient avec l’apport des migrants mais pour une faible part.

Le taux de fécondité (statistique de 2019) est de 1,9 enfants par femme en âge de procréer contre 1,8 sans les immigrés.

Les femmes immigrées représentent 12% des femmes en âge de procréer avec 2,6 enfants en moyenne.

1/3 des emplois dits essentiels sont tenus par des immigrés.

Quel est le  cout de l’immigration pour le budget de la France : impossible à évaluer dit la cour des comptes, selon  le rapport parlementaire de 2019 : un impact modéré sur les finances publiques, selon France Stratégie en2019 environ 0,5%du PIB.

En conclusion :

L’immigration reste un sujet très clivant et passionnel en France.

La volonté de réaliser l’intégration des immigrés a succédé à celle d’intégration, intégration qui ne peut se réaliser que si les conditions nécessaires pour réussir ne sont pas réalisées : apprentissage du Français, formation, logement, absence de concentration dans les mêmes quartiers déjà en difficultés etc.

L’histoire de ces deux derniers siècles montre la permanence de l’immigration avec des stops and go en fonction des conjonctures économiques et des crises géopolitiques.

D’une immigration de proximité nous sommes passées à une immigration mondialisée avec une part importante de Maghrébins et d’Afrique sub-saharienne ; nos législations ont évolué et s’intriquent avec les directives Européennes.

Cent millions de déplacés dans le monde, 31 millions en Europe ; l’aide au développement des pays à fort taux migratoire est indispensable pour assurer à leurs habitants un avenir dans leur pays et rompre le cercle vicieux d’une immigration illégale avec son cortège de drames.

Une immigration contrôlée et une intégration réussie devrait permettre d’apaiser la question.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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