LA GROSSESSE POUR AUTRUI (GPA)

Publié le 10 novembre 2014

LA GROSSESSE POUR AUTRUI,  LA CEDH ET LA FRANCE      

 

                Le 26 Juin 2014, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamnait notre pays à retranscrire dans notre état-civil les enfants nés à l’étranger, même en cas de suspicion de recours à une mère porteuse (MP). La France avait 3 mois pour faire appel.

 

                Que dit exactement la décision de la CEDH ?

                La Cour dit :

–         protéger le volet familial comme le volet de la vie privée,

–         que le droit à l’identité fait partie intégrale de la notion de vie privée,

–         qu’il y a relation directe entre la vie privée des enfants nés de GPA et la détermination juridique de leur filiation,

–         elle constate le refus des autorités françaises de reconnaître le lien de filiation des enfants ainsi nés, même si les gamètes d’un de leurs parents français ont été utilisées (père ou mère biologique),

–         que ce refus procède de la volonté de décourager ses ressortissants de recourir hors de France à la GPA,

–         que les enfants ainsi nés ne peuvent hériter de leurs parents d’intention (ceux qui désirent vivement des enfants au point de recourir à des moyens illégaux) qu’en tant que légataires, les droits successoraux leur étant alors moins favorables ; leur droit à la sécurité sociale est contesté, ils ne peuvent obtenir un passeport français puisqu’ils ont déjà le passeport du pays de leur naissance, sans lequel  ils n’auraient pu entrer en France.

–         Cette décision condamne enfin la France à verser une somme d’argent aux parents et aux enfants.

–         La CEDH insiste sur le fait que chaque fois que la situation de l’enfant est en cause, l’intérêt supérieur de celui-ci doit primer.

 

                 La France est donc obligée d’obtempérer, l’autorité de la CEDH étant supérieure à celle de notre Cour de Cassation. Celle-ci a jusqu’ici interdit cette transcription et sera amenée à modifier sa position ce qui n’est guère envisageable, puisqu’elle est chargée de donner son interprétation des lois au plus haut niveau ; il faudra donc que le législateur s’en charge puisque la France n’a pas fait appel dans le délai de 3 mois. En attendant, les enfants ainsi nés sont entrés en France avec la nationalité de leur pays de naissance, puisque les consulats avaient reçu l’ordre de ne pas les inscrire.

                La France aurait pu ou même dû faire appel de cet arrêt décidé par sept magistrats de diverses nationalités, dont un Français. En cas d’appel, c’est une réunion plénière de la CEDH qui aurait statué, au terme d’un délai imprévisible. Elle ne l’a pas fait parce que cet arrêt n’oblige pas notre pays à autoriser la GPA sur notre territoire. Actuellement ce sont environ 2 000 couples, désespérés de ne pouvoir concevoir d’enfants  qui ont recours à la GPA à l’étranger puisque la loi française (ainsi que celle d’autres pays européens) interdit cette pratique.

 

                Quand on parle de GPA, de quoi s’agit-il ?

                Un couple désirant un enfant, et ne pouvant le concevoir entre eux, demande à une femme qui l’accepte par un contrat juridique et financier, de porter pendant 9 mois un enfant provenant de la fécondation d’un ovocyte (qui peut provenir de la mère d’intention, de la mère porteuse ou d’une tierce femme, dite donneuse, en fait une vendeuse) par un spermatozoïde  qui peut être celui du père d’intention ou d’un autre homme. Au total, un enfant ainsi conçu peut avoir jusqu’à cinq parents : le père d’intention, le donneur (vendeur) de spermatozoïdes, la mère d’intention, la femme qui a vendu un ovocyte, et la mère porteuse qui peut aussi avoir fourni l’ovocyte. Ce schéma simplifié ne tient pas compte des risques encourus par la mère porteuse  et la femme qui a procuré l’ovocyte, ni de la possibilité d’un enfant malformé, et refusé par les parents d’intention.

                Au terme de la grossesse, après le règlement des engagements financiers avec la mère porteuse, la clinique d’accouchement, l’avocat et autres intermédiaires, l’enfant est remis définitivement aux parents d’intention (mais en Grande Bretagne, la mère porteuse peut se rétracter pendant un certain délai).  L’enfant est déclaré aux autorités civiles du pays où la naissance a eu lieu, autorités qui peuvent agir en sorte de cacher son origine (Inde, Ukraine, Russie par exemple).  Les consulats français ayant reçu ordre de refuser de les inscrire sur nos registres d’état-civil, ils entrent donc en France avec un passeport étranger (ou en fraude) et le sont donc comme citoyens de ces pays ; ils ne peuvent être enregistrés en France, même si un des parents d’intention a procuré la cellule fécondante.

                La loi française interdit la GPA et la décision de la CEDH affirme « accorder aux Etats une ample marge d’appréciation de leurs choix au regard des délicates interrogations éthiques »  mais oblige à admettre que la question de la filiation  met en jeu un aspect essentiel des individus ; c’est-à-dire qu’elle n’oblige pas la France à légaliser la GPA. Au Canada, la GPA est interdite à titre onéreux. Aux Etats Unis, tout est permis, y compris la vente d’embryons, et l’on peut parler d’un marché d’enfants, comme autrefois existait un marché des esclaves : un embryon est un être humain en devenir, et il est destiné à devenir un bébé, puis un enfant, et un adulte si il conserve la vie ; il ne doit pas être vendu.

                Finalement, on peut dire d’une certaine façon, que la décision de la CEDH encourage la pratique de la GPA ; c’est pourquoi la décision de la France de ne pas faire appel est en contradiction avec la déclaration de M. Valls  qui affirme que «  la GPA est et sera interdite en France ». Et Mme Taubira a aussi confirmé que la France ne reviendrait pas sur l’interdiction de la GPA donc de la marchandisation du corps humain.

 

                Pourquoi la France interdit-elle la GPA ?

                Dans notre pays, il est totalement interdit de faire commerce du corps humain, tout ou partie : des cellules telles que le sang, les cellules médullaires, celles de la reproduction et a fortiori des embryons ; des organes entiers comme les reins, le cœur, le foie, les poumons, l’intestin… et la loi considère que la location d’utérus relève du même principe. En bref, recueillir un enfant issu d’une mère porteuse, après tous les règlements financiers revient en fait à acheter cet enfant.  Et les Américains, qui ne sont jamais en retard pour exploiter les marchés, font de la publicité pour vendre des embryons surnuméraires (environ 10.000 $),  cette publicité se faisant aussi par internet avec le slogan : « gagnez votre bébé  par un clic! ».

                En France on parle de don du sang, de dons d’organes… et non de vente, car ces dons se font par l’intermédiaire d’organismes publics, sans doute pour éviter le risque de trafics illicites : hôpitaux publics, centres de  transfusion, Cecos (centres d’étude et de conservation d’ovocytes et de sperme) qui veillent rigoureusement à l’application des principes fondamentaux : gratuité et anonymat.

                Mais une nouvelle orientation de pensée se fait jour, en opposition à l’anonymat ; c’est le désir de plus en plus manifeste des enfants de connaître leurs origines – qu’il s’agisse d’enfants adoptés ou d’enfants nés de procréation médicalement assistée (PMA) ou de GPA- c’est à dire l’homme ou/et la femme qui ont donné les cellules sexuelles dont ils sont issus et dont ils ont hérité leur patrimoine génétique. Nombre d’enfants et d’adultes sont profondément perturbés de ne pas savoir qui est leur père, et qui est leur mère.

                Il ne faut pas laisser dire que les enfants nés de GPA sont sans filiation, ni identité ; ils ont l’un et l’autre mais établis à l’étranger ; ils sont citoyens du pays qui les a reconnus et enregistrés, avec comme parents, le nom des parents d’intention.

                Enfin, n’oublions pas que pour le droit français (et celui d’autres pays)  la mère est celle qui accouche ; que pendant toute la grossesse, des échanges moléculaires se font à travers le placenta et que des liens affectifs très forts peuvent se créer.

                Soyons conscients que la GPA et leurs organisateurs prospèrent sur le terreau de la pauvreté, voire de l’extrême misère. D’une façon très générale, la femme qui loue son ventre, les personnes, hommes ou femmes qui vendent leurs gamètes sont des gens dans le besoin,  par exemple des femmes sans ressources, des étudiants qui peinent à payer leurs études…, alors que les couples sont bien argentés, font face aisément aux dépenses d’une GPA et aux frais annexes comme voyages lointains, hôtels, restaurant… C’est vraiment choquant.

 

                Alors, que peut-on faire ?     

–         En clair, la France est obligée d’adapter sa législation.

–         On ne peut envisager de condamner pénalement les couples qui ramènent de l’étranger un enfant titulaire d’un passeport étranger, alors que dans l’état actuel du droit français,  l’article 227-12 du code pénal réprime la mise en relation d’un couple souhaitant  adopter un enfant avec toute personne pouvant l’aider.

–         L’article 227-13 est encore plus sévère puisqu’il punit de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende la substitution d’enfant : celle-ci consiste à attribuer la maternité d’un enfant à une femme qui n’en a pas accouché.

–         La France est en droit de maintenir l’interdiction de la GPA sur son territoire : il est en effet intolérable d’acheter un bébé, mais il faut savoir qu’un nombre important d’enfants  (env. 2 000)  nés ainsi à l’étranger vivent dans notre pays, et ceci impose de régler le problème d’état-civil, d’autant que beaucoup d’entre eux portent les gènes d’au moins un de leur parents. Ces enfants doivent bénéficier des mêmes droits que les autres : ils ne sont pas responsables des actes de leurs parents.

–         La France peut-elle faire plus que d’essayer d’obtenir que les pays qui autorisent la GPA, aient interdiction de la pratiquer au profit de ressortissants des pays qui l’interdisent. Il est illusoire d’imaginer que les pays européens se mettent d’accord pour interdire la GPA en Europe, d’autant que des sommités médicales ne sont pas d’accord sur ce sujet : le Pr Frydmann est contre, et pourtant c’est lui qui a mis au point la technique pour donner naissance au 1er « bébé éprouvette » en France, et le Pr Nysand est pour.

–         Cependant on ne peut tout laisser faire, ce qui permettrait au fil du temps d’établir une jurisprudence « cheval de Troie » qui partant de bonnes intentions à l’égard des enfants nés par GPA à l’étranger, aboutirait à légitimer le marché de mère porteuse (Laurence Rossignol, Secrétaire d’Etat à la famille) et à ce que ce marché soit un jour accaparé par la mafia.    La bataille de la GPA ne fait que commencer.

                              

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C.R.I. (cercle de réflexion et d’information) – www.criternet.fr

 

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