LA REFORME DES RETRAITES: OMBRES ET LUMIERE Février 2004

Publié le 13 mai 2013

L’évolution prévisible au cours des 40 prochaines années de la structure démographique de la population française a amené le gouvernement à proposer une réforme des systèmes de retraite par répartition visant à sauvegarder l’équilibre financier de ceux-ci.

Cette réforme a fait l’objet d’une loi du 21 Août 2003 concernant le régime général ainsi que les régimes de la fonction publique et dont la principale mesure consiste en l’allongement de la durée de cotisation nécessaire pour pouvoir bénéficier d’une pension à taux plein à 41 ans en 2012.

Sans nier la nécessité d’une action relative aux régimes de retraites, on peut toutefois s’interroger sur certains points.

 

Et constater tout d’abord que cette loi a sans doute été précédée d’une dramatisation excessive de la situation.

En effet, pour justifier des mesures proposées, il fut expliqué qu’à règles constantes la part des retraites dans le PIB devrait passer de 12,50% en 2000 à 18% en 2040.

Ce qui semble effectivement beaucoup… mais aurait toutefois gagné à être mis en perspective avec le fait que cette part était déjà passée de 6,50% à 12,50% au cours des 35 dernières années sans que cela entraîne de cataclysme majeur !

Sans compter en outre que la structure démographique redeviendrait meilleure vers 2040.

On ne peut non plus manquer de remarquer que cette loi ne joue que sur un seul levier pour améliorer l’équilibre financier des régimes de retraite : la durée de cotisation, à charge exclusive donc du salarié.

Ont ainsi été totalement écartés : l’augmentation des cotisations salariales et patronales, la mise en place de politiques visant à réduire le chômage et donc à augmenter le nombre de cotisants, la mise en place de mesures favorisant une certaine reprise de la natalité, la recherche d’assiettes autres que les salaires.

Et force est de reconnaître que l’on peine à imaginer qui pourra travailler 41 ans (voire 42 ans comme envisagé pour 2020) pour avoir droit à une pension complète.

En effet, actuellement, alors que la durée requise n’est que de 40 ans pour les

salariés du privé, seuls 40% d’entre eux passent directement d’un emploi salarié à la retraite. Tous les autres se trouvent licenciés ou mis en une quelconque préretraite avant d’avoir pu obtenir cette durée de cotisation.

 

II est donc à craindre que l’on ne fasse que transformer des pensions retraite

économisées en allocations chômage perdues !

Sans compter qu’il est à craindre que, du fait du système de la décote (à terme 5%par année manquante), cette réforme des retraites ne se traduise pour un certain nombre de salariés par une baisse de fait du montant de leur pension.

 

En outre, compte-tenu d’une durée d’études de plus en plus longue, les jeunes arrivent plus tardivement qu’autrefois à leur premier emploi. Et si en théorie la retraite à 60 ans est toujours inscrite dans les textes, la réalité économique fera que ce sera bien une retraite à 62, 63 voire 64 ou 65 ans qui sera effectivement prise.

 

Il faut également rappeler qu’une des motivations affichées pour justifier la loi était d’obtenir un système des retraites régi selon le concept d’« équité » dans lequel tous les agents de la fonction publique, comme les salariés du privé, cotiseraient selon les mêmes règles et liquideraient leurs pensions de la même manière. Ainsi l’article 3 de la loi du 21 Août 2003 proclame-t-il la louable intention suivante :

« Les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent. »

Or si un effort a incontestablement été fait en ce sens en amenant la durée de cotisation de la fonction publique comme celle du privé à 41 ans à l’horizon 2012 et en revalorisant toutes les pensions en fonction de l’indice des prix, il n’en demeure pas moins que certains facteurs d’inéquité restent patents.

Par exemple la comparaison Privé – Fonction publique demeure-t-elle sensiblement en défaveur du privé sur un certain nombre de points :

– Retraite de la fonction publique calculée à 75% du salaire hors primes des 6 derniers mois d’activité, qui sont alors les 6 meilleurs mois, alors que la retraite du privé est établie sur la base de la moyenne des salaires de 25 meilleures (moins mauvaises ?) années.

– Possibilité dans la fonction publique de liquider sa retraite après 15 ans d’activité si l’on a élevé trois enfants avec une pension de l’ordre d’un tiers de son salaire brut hors primes des 6 derniers mois.

Cette possibilité officiellement réservée aux femmes fonctionnaires devrait maintenant aussi pouvoir bénéficier aux hommes fonctionnaires qui entameraient un recours devant le Tribunal Administratif.

– Retenue salariale pour pension civile d’un agent de la fonction publique fixée à 7,85% alors que pour un salarié du privé le total Retraite de base + Retraite complémentaire est de l’ordre de 10% de retenue !

Mais peut-être plus criant encore est le fait que la loi ne se soit souciée que de régimes qui étaient encore excédentaires, sans oser prendre à bras le corps le problème des « régimes spéciaux », héritage de l’histoire. Lesquels sont des régimes aux règles fortement dérogatoires des autres régimes, avec bien souvent une structure démographique défavorable source de déficits chroniques qui ne sont comblés que par le biais de versements effectués par la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse des salariés du privé ou par l’Etat, via le mécanisme baptisé « Compensation démographique ».

Certes certains régimes spéciaux peuvent se comprendre. Comme celui des mines où la pénibilité reconnue du travail pouvait justifier d’un départ en retraite plus jeune, et où la fermeture progressive des mines explique le rapport de 1 cotisant pour 10 retraités (en 1998) et donc donne tout son sens à la compensation démographique. On est par contre en droit de s’interroger sur la persistance des avantages de certains régimes spéciaux en donnant les deux exemples suivants :

– A la SNCF les roulants (environ 30.000 sur un effectif total de 180.000 .personnes) peuvent partir en retraite dès 50 ans à condition d’avoir 25 ans d’ancienneté…et qui plus est avec une pension égale à 2,38% de leur dernier traitement brut par année d’ancienneté, soit une pension d’environ 60% pour 25 ans de services !

 

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