L’ENSEIGNEMENT EN DERIVE (version longue)
Publié le 27 mars 2018
LE CONSTAT
L’enseignement est actuellement au cœur de nombreuses réflexions en France depuis le connaissance des mauvais résultats de notre pays aux classement PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis) mis en place par l’OCDE et au classement PIRLS (Programme International de Recherche en Lecture Scolaire).
Nous sommes 27ème sur 72 pays en 2017 (25ème en 2012) en ce qui concerne PISA et 34ème sur 50 pays pour le PIRLS.
Le budget de l’Education Nationale est le plus important de la nation: 50 milliards d’euros prévus en 2018 (1,3 milliards de plus qu’en 2017)
La question : pourquoi autant d’argent pour d’aussi médiocres résultats? Son corollaire: l’Education Nationale remplit elle réellement le rôle que l’on attend d’elle ?
Mais quel est en fait le rôle de l’Ecole?
LE RÔLE DE L’ECOLE:
Le rôle de l’école crée par Charlemagne et surtout structurée par Louis XIV puis Jules Ferry, a certainement évolué au fil des siècles.
Tout d’abord partie d’un enseignement basique, elle a évolué en fonction de sa finalité, des changements sociaux, des méthodes pédagogiques et des valeurs morales qu’elle est censée apporter.
Elle a aussi évolué en fonction de ce que l’institution « Enseignement » a voulu faire d’un côté et de ce que les parents souhaitaient de l’autre. On pourrait aussi y ajouter, ce que les enseignés eux-mêmes en attendent sans oublier l’influence politique toujours plus ou moins visible!
La finalité: En priorité, enseigner les « fondamentaux »: parler le français, lire, compter.
Dès le départ, parler le français dans un pays en construction au cours des siècles et où existaient des centaines de dialectes et patois n’a pas été chose facile. Mais ce fut un souci constant de la royauté puis de la république de faire en sorte que notre pays ait réellement une langue commune pour que l’on puisse de comprendre aux quatre coins du pays, en particulier pour la compréhension de tous les textes officiels. Le latin a été longtemps réservé à une élite et aux religieux.
Les meilleurs et les plus riches pouvaient ensuite intégrer les universités pour l’enseignement supérieur.
Mais la finalité de l’enseignement était surtout une transmission des savoirs, couplant aussi, avant la laïcité, le savoir scientifique au savoir religieux, l’ensemble devenant aussi un prodigieux instrument de pouvoir. Cette finalité n’est pas remise en cause par aucune des parties, à la condition d’une mise à jour des savoirs enseignés efficace.
LES RELATIONS ECOLE-SOCIETE
Il est certain qu’il y a une influence réciproque. Le savoir conditionne le comportement social des individus et la place qu’ils occupent dans la société (par ex: profession exercée en fonction du savoir acquis).
Comme la société change, l’école peut être passive devant les phénomènes sociaux, n’incorporant rien de neuf dan ses programmes; elle peut être active, intégrant rapidement dans sa pédagogie les changements techniques et sociaux; elle peut même être proactive en se projetant quasiment dans l’avenir, enseignant très tôt les prémices du devenir de notre monde (Ex: enseignement du chinois avant que la Chine ne devienne le géant économique qu’elle est devenue).
Les changements sociaux ont une influence sur l’école et l’enseignement : au fil des temps, le clivage riches-pauvres s’est atténué permettant à chacun de pouvoir accéder à l’école. Le changement royauté -république a changé les choses comme la révolution industrielle qui a fait enfler le domaine urbain par rapport au rural. La révolution numérique récente modifie aussi la donne.
L’arrivée des migrants bouleverse la vie scolaire en mélangeant des enfants parlant des langues différentes, pratiquant des religions mal appréhendées par nous, ayant des coutumes et des cultures parfois dérangeantes par rapport aux nôtres.
La féminisation des professions est encore une nouvelle donne à prendre en compte dans l’enseignement ce qui peut poser des difficultés avec des jeunes dont le milieu familial traditionnel n’est pas en faveur de l’émancipation féminine.
LES METHODES PEDAGOGIQUES:
Elles sont multiples et on a toujours voulu désigner la dernière comme la meilleure. Bien des ministres ont voulu donner leur coup de patte en la matière. Mais beaucoup, faute à des ministères de faible durée , n’ont pu procéder à l’évaluation d’une technique pédagogique par rapport à une autre. Si cela avait été le cas, nous pensons que la technique de la « méthode globale » pour la lecture aurait été supprimée plus tôt.
Mais, par contre, adapter la pédagogie en tenant compte des découvertes en neurosciences (durée des périodes d’attention, compensation de l’effort d’acquisition par le repos, la discussion entre soi ou l’enseignant, activité physique) permettra d’obtenir de meilleurs résultats scolaires.
Nous aurons à prendre en compte de nouvelles techniques d’enseignement comme la méthode Montessori ou de ce qui se fait à l’étranger.
Mais il sera important d’intégrer une formation en psychopédagogie dans le cursus de formation des professeurs pour éviter un ressenti négatif de l’enfant et favoriser son isolement.
LES VALEURS MORALES
L’Education Nationale véhicule depuis Jules Ferry des valeurs morales héritées du monde républicain, rattachées à la devise française « Liberté, Egalité, Fraternité », pour beaucoup héritées également d’une société judéo-chrétienne mais aussi encadrées par les lois sur la laïcité. On y rattache les notions de démocratie, de nation, de respect, de justice, de citoyenneté, de neutralité, de vérité, de non-discrimination, de sécurité.
Ces valeurs morales ont pendant longtemps fait partie de « l’instruction civique », mise au rencart en 1969 puis remise au programme en 1985 sous forme de « notions » avant de redevenir une vraie discipline en 1995 au collège puis en 1999 au lycée. En 2008, elle apparaît dans les programmes du primaire.
Les établissements privés confessionnels ont la possibilité d’y ajouter des principes moraux religieux.
Il ne faut pas oublier l’effet « Mai 68 » qui a modifié notre conscience des valeurs morales sous influence du « Il est interdit d’interdire ». Les valeurs d’effort, de respect, de rigueur ont cédé la place au laxisme. La confusion entre exigence et brimade a laissé la place à une lente mais régulière dégradation de la qualité de l’enseignement.
Ceci a profondément modifié les rapports entre les enseignants, les enseignés et leurs parents, entraînant également de gros problème de sécurité au sein des établissements mais aussi dans sa périphérie immédiate.
LA DIVERGENCE
Il semble qu’il y a divergence manifeste entre ce que l’Education nationale considère comme étant de son rôle en tant qu’institution et celui que souhaiteraient lui voir jouer les citoyens de notre pays.
Pour eux, l’enseignement est en priorité un transmetteur de savoir, y compris le plus pointu, permettant d’accéder à une profession et secondairement un éducateur social pour remplacer celui que les parents ne savent plus faire.
Pour l’Education Nationale, il s’agit de faire des têtes bien faites qui pourront donc plus facilement acquérir ultérieurement des savoirs plus complexes ou plus spécifiques. Elle n’a pas à jouer le rôle d’éducateur social, celui-ci étant du ressort de la famille. Ceci est toute fois à nuancer car dans bon nombre d’établissement les enseignants font tout leur possible pour pallier aux insuffisances éducatives des familles. Cependant, méfiance, car la façon de faire des têtes bien faites peut conduire à la transmission d’opinions dirigées politiquement en fonction de la nature des programmes ordonnés par le ministère (Cf. les programmes d’Histoire).
Partant de ce constat, on a l’impression que l’institution, dans son ensemble et à tous les niveaux, malgré de très belles réalisations locales comme dans notre région, ne cherche pas à faire sa révolution interne pour s’adapter aux exigences d’un monde moderne.
LES SOLUTIONS PROPOSEES:
Il est nécessaire de lutter contre la sélection par l’échec. La notion de deuxième chance doit toujours être présente. Dans les Vosges, de nombreuses ressources ont déjà été mises en en œuvre en ce but.
Un apprentissage rigoureux des fondamentaux est indispensable alors que même des enseignants ne le sont plus en matière d’orthographe! Pour cela, l’intégration des techniques modernes comme le numérique sont souhaitables, en les considérant (y compris des parents) non comme un jouet perturbateur mais comme un véritable outil de travail.
Cela nécessite une meilleure pédagogie, oubliant quelque peu le cours magistral au profit d’un meilleur contact élève-enseignant mais aussi famille-enseignant pour permettre une adaptation des programmes aux capacités cognitives des élèves.
Cela nécessite une augmentation des heures de travail, avec la rémunération adéquate pour permettre une activité de ce type « hors cours ». Le recours aux associations devrait être facilité.
Cela permettrait, par exemple, de faire du soutien en français à des jeunes des « quartiers » accompagnés de quelques membres de leur famille pour leur enseigner notre langue et lutter ainsi contre le communautarisme.
La pédagogie passe aussi par l’enseignement du goût à l’effort qui doit être considéré comme valorisant, ce qui est valable à la fois pour les enseignants et leurs élèves.
Mais la pédagogie doit également s’accompagner d’une formation des enseignants sur la gestion des rapporte émotionnels avec les élèves:
Comment gérer les conflits, comment les rassurer, comment les encourager.
A la bonne formation technique des enseignants devrait s’ajouter un diplôme de psychopédagogie.
L’apport des neurosciences est donc indispensable. Ce sont elles qui ont, entre autre, ont montré qu’un élève ne dispose que de 20 minutes d’attention dans un cours magistral.
Il est anormal de voir dans un pays comptant 10 millions de chômeurs voir environ 200 0000 emplois non occupés car considérés comme trop difficiles (chiffre Pôle Emploi inférieur à ceux des campagnes politiques)
La révolution de l’Education Nationale doit se faire à bien d’autres niveaux comme la recherche d’une indépendance par rapport aux mœurs politiciennes: on ne fait pas une réforme à chaque changement de ministre. Il faudra aussi assurer une meilleure formation des enseignants en matière de pédagogie et d’adaptation au mode de vie de la société en excluant la manipulation politique.
Autre nécessité: l’amélioration de la communication verticale dans le système hiérarchique enseignant . Trop de « profs » ne se sentent pas assez soutenus par leur hiérarchie, y compris au sein de leur établissement. Cela nécessite une révision du concours de recrutement des chefs d’établissements qui n’est plus réellement assuré par des enseignants. Un intendant, un responsable de CIO, un militaire, un chef d’entreprise peuvent faire acte de candidature. Donc, les enseignants n’ont pas confiance et refusent la notation.
Une meilleure adaptation au monde de l’entreprise est nécessaire ainsi qu’une une adaptation locale et régionale.
Il faudra penser à meilleure conception des programmes en tenant compte des techniques d’enseignement alternatives. Celle -ci pourra aussi découler d’une meilleure observation des systèmes éducatifs étrangers en s’appropriant ce qui nous serait favorable (Ex: Montesorri)
Une revalorisation des examens et concours devra se faire. Le bac devrait à lui seul permettre d’obtenir un emploi. Cela s’amorce : Air France met en place un programme de formation de pilotes durant quelques mois après le bac. En parallèle, celle du statut de l’enseignant doit être effective pour en refaire une profession d’élite.
L’amélioration en nombre et en qualité de l’apprentissage en usine ou atelier en alternant formation technique et culture générale est indispensable. Nous restons largement déficitaire en la matière par rapport à l’Allemagne (600 000 contre 1,6 millions d’apprentis)ou la Suisse.
En ce qui concerne les établissements, l’introduction du mécénat pourrait diminuer la pression budgétaire sur ceux-ci.
Tout ceci ne sera réalisable qu’en assurant une sécurité maximale dans les établissements et en périphérie de ceux-ci. Les enseignants seuls ne peuvent le faire.
L’entrée à l’université: comment permettre à 900 000 jeunes d’obtenir la place de leur choix dans l’université ou l’école sachant que certains établissements, certaines filières sont saturées? Les erreurs d’orientation conduisent à 25% de redoublements en 1ère année et à 30%d’abandons en cours d’année.
Fort heureusement, le tirage au sort a été abandonné.
Le gouvernement a mis en place une nouvelle plate-forme: le parcours SVP pour lutter contre les défauts de l’APB. Les moyens d’orientation seront développés sur 5 ans. L’élève devra formuler 10 vœux au lieu de 24 entre le 22 janvier et le 13 mars sans les classer. Entre le 14 mars et le 31 mars, il y aura un conseil de classe avec examen des vœux des lycéens qui permettra de créer une « Fiche Avenir » comportant l’appréciation des professeurs et du chef d’établissement. En mai, les lycéens reçoivent les réponses à leurs vœux et dialoguent avec les établissements d’enseignement supérieur. Dès que le lycéen a reçu deux réponses positives, le futur étudiant doit choisir entre les deux (sans renoncer aux autres vœux qui sont mis en attente). A la mi-juin, le processus est suspendu pendant le baccalauréat. Fin juin-début juillet, après le baccalauréat, ouverture de la procédure complémentaire: une commission, placé sous les ordres du recteur propose aux bacheliers une affectation s’ils n’ont reçu aucune réponse positive. En septembre: fin du processus d’affectation.
On réintroduit de l’humain dans la procédure car le travail de l’élève est mieux pris en compte et récompensé.
Les élèves sont satisfaits de l’abandon du tirage au sort mais ils sont inquiets devant les « pré-requis » demandés par les universités ou les établissements. Ils craignent une « forme de sélection ».
La création des universités européennes: le président de la république a proposé la création de 20 universités européennes. En exemple:
– EVCOR: campus universitaire regroupant les universités de Bâle, Fribourg en Brisgau, Karlsruhe, Strasbourg et Haute Alsace.
– UNIVERSITE DE GRANDE LORRAINE: regroupe Universités de Lorraine, de Sarre, de Trèves, de Kaiserslautern, Luxembourg et Liège.
Pour les études de médecine: suppression du Numérus Clausus (fera l’objet d’un article ultérieur)
En conclusion:
En réalité, il s’agit d’une remise en cause totale du système éducatif, allant des plus hauts fonctionnaires jusqu’aux professeurs des écoles. L’influence non réformiste de certains fonctionnaires et syndicats sera à repousser. Un changement de paradigme devient une nécessité prégnante pour que notre « Education Nationale » retourne aux critères de qualité les plus élevés au monde.
NB: Cet article a été écrit avant la mise en place des réformes de notre nouveau ministre de l’Education nationale Jean Michel Blanquer. Les effets n’en seront visibles qu’au bout de quelques mois ou années.
LE CRI: www.criternet.fr
07/03/2018
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