LES REGIONS : UNE REFORME INACHEVEE

Publié le 2 mars 2016

                                  

  Promulguée le 3 Août 2015 la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la France (NOTRe) définit les compétences attribuées à chaque collectivité territoriale. Il s’agit là du troisième volet de la réforme engagée par le gouvernement après la loi de modernisation et d’affirmation des métropoles et la loi relative à la délimitation des régions.

           

Rappelons que jusqu’à ce jour la France comptait, outre l’Etat, quatre échelons administratifs qui se partageaient les compétences, à savoir les régions, les départements, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les communes. Sachant que chacune de ces entités, à l’exception des EPCI, possédait la possibilité d’intervenir dans tous les domaines, cela rendait difficile de savoir qui faisait quoi en raison notamment des financements croisés et surtout des lenteurs que cela engendrait.

            Le remède apporté par ces diverses loi ne paraît pas avoir solutionné les problèmes.

 En effet, l’Etat est toujours omniprésent et le nouvel empilement administratif qui en découle ressemble étrangement  au passé : 13 régions (au lieu de 22) mais toujours 100 départements, plus de 36000 communes et un nombre important d’EPCI même si la fusion de bon nombre d’entre- eux est rendue  obligatoire (population minimum de 15000 habitants sauf dérogations).

            Si on y ajoute les métropoles au nombre d’une quinzaine dans un avenir proche, le citoyen n’y voit toujours pas plus clair. Nous avons donc toujours le même « mille feuilles ».

            Si la réforme ne touche que peu les départements essentiellement recentrés sur le social, et pratiquement pas aux communes sinon par l’obligation d’adhérer à un EPCI, la réforme concerne surtout les régions. Le gouvernement souhaitait des grandes régions pour rivaliser avec celles d’autres pays européens,

           

Les compétences des Régions:

             

            Tout d’abord les régions perdent la compétence générale et de ce fait n’exercent plus que les attributions définies par les diverses lois qui se sont succédées depuis 1983.

             Les régions gardent les  compétentes détenues jusqu’alors, à savoir :

                        –  participation dans l’exécution du contrat de plan passé avec l’Etat et certaines autres collectivités .

                         – gestion des transports régionaux de voyageurs (TER notamment) et de financement des infrastructures  (lignes TGV).

                        – mise en œuvre des actions de formation professionnelle continue et d’apprentissage y compris l’insertion des jeunes en difficulté et la formation en alternance.

                        – construction et entretien des lycées,

            Et depuis la loi du 27 février 2002:

                        – la protection du patrimoine ;

                         – le développement des ports maritimes et des aéroports.

                         – la mise en œuvre d’un plan régional pour la qualité de l’air et le classement des  réserves naturelles régionales.

           

       Au titre de la loi NOTRe la région est responsable de la définition des orientations en matière de développement économique (art 2 de la loi). Pour ce faire, elle  élabore un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), lequel définit « les orientations en matière d’aides aux entreprises, de soutien à l’internationalisation, d’aides à l’investissement immobilier, à l’innovation des entreprises ainsi que les orientations relatives à l’attractivité du territoire régional. Il définit les orientations en matière de développement del’économie sociale et solidaire ».

       Elle reçoit une compétence exclusive pour définir les régimes d’aides et pour décider de l’octroi des aides aux entreprises dans la région y compris aux entreprises en difficulté (art L 1511-2).

       Ce schéma est soumis à l’approbation du Préfet de région lequel doit vérifier le respect des intérêts nationaux. Les actes des collectivités territoriales et de leurs groupements doivent être compatibles avec le SRDEII.

            La région voit sa fonction d’aménagement du territoire renforcée, c’est à dire sur l’ensemble des actions publiques de développement équilibré des régions et à une organisation de l’espace selon une conception directrice.

Pour ce faire la région établit un schéma régional d’aménagement et de développement durable, lequel doit « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs et d’égalité des territoires(SRADDET) »

            La loi NOTRe confie également aux régions la compétence d’élaborer un plan régional prévisionnel de prévention et de gestion des déchets.

            Enfin les régions reçoivent, à la place des départements, la gestion des services non urbains de transports réguliers ou à la demande. S’agissant des transports scolaires la région peut, par convention, en confier l’organisation aux départements ou à un EPCI.

           

Les moyens financiers des régions:

           

            Les principes de l’autonomie financière  sont posés par l’article 72-2 de la Constitution de 1958. Les ressources propres des collectivités territoriales doivent représenter une « part déterminante » de l’ensemble de leurs ressources. Tout transfert de compétence doit s’accompagner du transfert des financements correspondants.

            Les recettes des régions sont de trois ordres : recettes fiscales, transferts de la part de l’Etat et emprunts.

            Parmi les recettes fiscales figure la fraction prélevée sur la taxe intérieure sur les produits pétroliers, soumise elle-même aux fluctuations du prix du pétrole brut. A elle seule elle représente plus de la moitié des recettes de fiscalité indirecte. Les régions perçoivent également la taxe sur les cartes grises et les permis de conduire.

            En revanche la réforme de la taxe professionnelle a eu pour conséquence de priver les collectivités territoriales de près de la moitié de leurs recettes. La taxe professionnelle a été remplacée par la contribution économique territoriale composée d’une cotisation locale d’activité (CLA),  d’une cotisation complémentaire assise sur la valeur foncière des entreprises  dont le taux est fixé par la collectivité bénéficiaire et d’une cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée (CCVA) dégagée par les entreprises dont le taux est fixé par le parlement.                          

En matière de recettes la marge de manœuvre des régions est limitée car, contrairement aux autres collectivités territoriales, elles ne peuvent compenser les manques éventuels par une hausse des impôts locaux.

           

Mise en œuvre de la réforme:

           

            Tout d’abord un volet important a été omis dans cette réforme : c’est la réforme de l’Etat lui même. A ce niveau rien ne change : toujours près de 40 ministres ou sous-ministres malgré les promesses, toujours 577 députés et 350 sénateurs et toujours un nombre incalculable d ‘organismes et commissions de toutes sortes dont le nombre devait, parait-il, diminuer sérieusement mais en réalité est immuable.        

            Pourquoi, puisque l’Allemagne est souvent citée en exemple, ne pas se contenter de 8 ministres et ne pas aligner le train de vie gouvernemental sur le modèle allemand : une trentaine de voitures et non plus de cent; chaque ministre rentre chez lui le soir au lieu de rejoindre un hôtel particulier mis à sa disposition par la République…Il y a là matière à réflexion et on pourrait se demander à quoi sert la secrétaire d’Etat à la réforme de l’Etat.

            L’exemple venant d’en haut, cela serait sûrement apprécié et permettrait sans doute de mieux faire admettre la réforme territoriale en cours et ne nuirait sans doute pas à la bonne gestion des affaires de l’Etat.

            A ce sujet il est symptomatique de constater, que les élus de l’opposition et certain autres, qui ont tiré à boulet rouge sur le projet gouvernemental, se soient précipités pour devenir président de région accumulant les mandats au mépris des règles établies.

            L’analyse des compétences des régions montre que celles-ci ont surtout des fonctions de programmation, de planification (au moins trois plans à élaborer) et d’encadrement de l’action des collectivités situées dans leur secteur.

            En revanche les länder allemands possèdent certains pouvoirs de légiférer dans le ressort de leur territoire, dès lors que l’Etat fédéral n’a pas fait usage de son droit prioritaire.

            Ce pouvoir peut s’exercer dans les domaines suivants : droit civil, droit pénal et régime pénitentiaire, la circulation routière, le droit d’association et de réunion, le droit de séjour  et d’établissement des étrangers, le droit économique et la protection des consommateurs, ainsi qu’aux traitements et pensions des personnels de la fonction publique.

            

   Sur le plan financier ce n’est pas mieux:

           

            On estime  que l’ensemble des recettes des anciennes régions s’élevait à environ 28 milliards d’euros, dont environ 42% en provenance de l’Etat soit deux fois et demie moins que nos départements et dix sept fois moins que les länder allemands.

            Cette simple comparaison démontre clairement que nos nouvelles régions n’auront toujours pas les moyens financiers pour assurer le développement de leurs territoires respectifs.

            En effet aucune nouvelle recette ne semble prévue pour apporter une certaine autonomie aux régions. Quant au recours à l’emprunt, celui-ci a des limites car le taux d’endettement des régions a sérieusement augmenté, même si on a assisté à une nette régression en matière de recours à l’emprunt depuis deux ou trois ans, ceci aux dépens de l’investissement. Alors se pose la question de savoir comment et avec quels moyens les régions, même agrandies, pourront financer les aides éventuelles à l’industrie et à la recherche.

            L’examen, à la foi des compétences et des possibilités financières des régions françaises et des länder allemands, montre la «  modestie » de nos régions.

           

Nos hommes politiques en posant les bases d’une réforme ambitieuse, avec au moins la suppression de l’échelon départemental, n’ont en réalité « accouché » que d’une demi-réforme car il a fallu faire face à une opposition de tous bords. Il est toutefois symptomatique que ces mêmes opposants se soient précipités pour obtenir les postes de président, cumulant, pour beaucoup, de nouveau, les mandats électoraux au mépris des règles établies.

 

Les dernières victimes seront encore une fois les contribuables. 

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